La période actuelle, entre deuxième vague et volonté de reprise des opérateurs, pousse le(s) marché(s) immobiliers vers des vents contraires.
La période actuelle, entre deuxième vague et volonté de reprise des opérateurs, pousse le(s) marché(s) immobiliers vers des vents contraires.
À travers cette courte note, Anaxago souhaite vous apporter des clés de lecture pour analyser les tendances en cours révélatrices d’un monde de l’immobilier en pleine mutation et fort de contradictions.
Avant propos : dans le doute, scénariser le futur
Dans cette période unique remplie d'incertitudes et d’aléas, nous prônons une méthode unique au sein de nos équipes d’investissement : scénariser le futur.
Si les économistes ont longtemps parlé de la reprise en V, en U ou en W, aujourd’hui, il convient d’évoquer les vagues successives, comme le principal enjeu. La reprise a prouvé être rapide (en V) dans certaines industries, quand d’autres devront se réinventer durablement.
L’épidémie de COVID-19 a souvent été comparée à la grippe Espagnole qui a touché la population mondiale entre 1918 et 1919, elle pourrait à son image nous réserver une troisième vague possible et s’étendre ainsi sur près d’une année et prendre fin au deuxième trimestre 2021.
Ce scénario semble probable, de même que l’arrivée d’un vaccin courant 2021 permettant de protéger en priorité les populations âgées les plus à risque.
NOS CONVICTIONS DANS CE CONTEXTE
Malgré ces incertitudes, quelques convictions qui nous permettent de “figer les variables” et mieux appréhender la situation actuelle :
- La crise pourrait durer encore au moins 12 mois en cas de 3ème vague et avant l’arrivée d’un vaccin disponible à grande échelle ;
- Les mouvements de fonds et les tendances baissières et haussières qui existaient avant covid se confirment ;
- L’Etat et les banques centrales ont affirmé leur présence, et ce “quoi qu’il en coûte” auprès des ménages et des entreprises pour maintenir la demande et limiter les risques de faillite (PGE, aménagement des loyers, réduction d'impôts pour les foncières etc.) ;
- Les investisseurs restent tiraillés entre recherche de sécurité et nécessité de prise de risque supérieure pour compenser la baisse des taux, ouvrant des opportunités pour tous les acteurs pouvant gérer par exemple le risque de vacance (co-working, co-living) ;
- Les transactions et secteurs dépendant d’une clientèle internationale seront certainement les plus impactés (hôtellerie , commerce, immobilier de luxe) à horizon 3 ans ;
- Les actifs bien placés et disposant d’une utilité sociale (dormir, se rencontrer, travailler) seront les plus résilients ;
- Des tendances socioculturelles vont impacter durablement la manière dont entreprises et particuliers consomment l’immobilier : prise de conscience écologiste, nouveaux usages et télétravail, fuite des métropoles et recherche d’espaces…
- L’immobilier français devrait continuer à présenter, peut-être plus que jamais, une valeur refuge dans un monde de rendement sans risque qui continue sa transformation vers un monde de risque sans rendement.
Un marché à plusieurs vitesses
Le premier enseignement de la crise que nous traversons est que toutes les classes d’actifs ne sont pas impactées de la même manière.
La vague massive de télétravail impulsée par les confinements et couvre-feu pèsent sur les prises à bail de bureau, l’exploitation hôtelière et la pérennité des commerces déjà fragilisés par des crises sociales puis sanitaires à répétition depuis plusieurs années. Au même moment le résidentiel attire pour sa résilience, malgré une potentielle “fuite des métropoles” souvent annoncée mais loin d’être généralisée. Autant d’enjeux et de tendances qu’il convient de dissocier pour analyser la situation avec clarté.
L’immobilier neuf : un marché à l’arrêt faute d’offre suffisante
Si la construction a été un des secteurs profitant le plus rapidement du déconfinement avec une reprise rapide des chantiers, le marché reste soumis à une forte tension de l’offre.
Les élections municipales tenues en juin n’ont pas encore débouché sur la délivrance tant attendue de nouveaux permis de construire. Les mises en vente avaient déjà baissé de 15 % entre 2018 et 2019. Elles ont littéralement plongé au premier semestre à -47 %.
La prise de conscience écologiste, certainement un peu sous-estimée par les opérateurs, semble être un phénomène qui demande à reconsidérer notre manière de vivre et donc de construire. Cela pourrait bien freiner durablement l’appétit des communes et des mairies pour de futurs projets de développement immobilier.
Cette tension de l’offre se reflète dans les prix de vente, en hausse de +7,3 % pour les appartements neufs en Ile de France entre le T2 2020 et le T2 2019 (source notaires) et une réduction continue des stocks.
Côté demande dans le résidentiel, cette dernière a été fortement soutenue par la commande publique, la CDC ayant fait l’acquisition de plus de 40.000 logements neufs pour stimuler le secteur.
Le logement ancien résiste
Pour ce qui est des prix de l’immobilier ancien, les projections vont bon train sur “l’éclatement de la bulle de l’immobilier parisien”. Force est de constater que le marché du logement parisien résiste pour l’instant. Les prix sont stables (+0,4%) sur les 4 derniers mois après une hausse plus marquée depuis le début de l’année à +4,5%.
La demande dans l’ancien s’est donc globalement maintenue avec des prix stabilisés partout en France malgré 3 tendances fortes qui pourraient peser sur la demande des particuliers dans les prochains mois :
- Le durcissement des conditions d'octroi des crédits bancaires souhaités par la Banque de France (25 ans minimum, endettement plafonné à 7 ans de revenus etc.) ;
- L’incertitude macroéconomique qui pousse les ménages à décaler les projets immobiliers et à l’épargne ;
- La raréfaction d’acquéreurs privés étrangers.
Malgré ça, nous restons confiants quant au potentiel de résistance des prix de l'immobilier résidentiel. La tendance actuelle pourrait même permettre de réduire l’écart entre les principales métropoles et les villes intermédiaires qui semblent bénéficier de l’effet “COVID”.
L’immobilier de bureau : entre valeur refuge et choc des usages
Côté bureau, les variations sont importantes avec un fort ralentissement en région et une chute de la demande placée en Ile-de-France à -43% mais un impact qui toutefois reste faible sur le marché parisien avec des loyers prime en hausse de 1% dans le quartier central des affaires (QCA).
Ailleurs dans Paris, les valeurs faciales des loyers se maintiennent avec néanmoins une probable hausse des mesures d'accompagnement (franchise de loyers, travaux etc.) à envisager pour les propriétaires permettant ainsi de sécuriser des locataires qui bénéficient de l’offre disponible en cette période (cf. données paragraphe suivant).
Globalement, l’offre de bureaux reste limitée dans le centre de la capitale ; le taux de vacance avoisine les 3 % et les grands projets de restructuration à livrer d’ici la fin de l’année sont déjà pré-loués. Malgré cela, le volume d’offre disponible a quasiment doublé depuis le début de l’année (+112%), et ces chiffres n’intègrent pas l’offre disponible au sein des espaces de co-working.
Nous allons certainement constater une baisse de la demande et une hausse l’offre disponible en IDF, un phénomène qui pourrait renforcer la baisse des taux d’occupation dans la région tout en profitant aux utilisateurs souhaitant intégrer Paris intramuros. De même, la Défense, quartier durement touché, pourrait redevenir attractif pour les locataires souhaitant regagner le quartier d’affaires au détriment de la péri-Défense (Nanterre, Courbevoie etc.)
Par ailleurs, l’appétit des investisseurs reste important, le volume investi en bureaux en IDF bien qu’en forte baisse au T2 reste à des niveaux proches de ceux atteints en 2017 et 2018 avec 4,3 milliards investis sur le seul T3. La pierre maintient son statut de valeur refuge avec des rendements relativement attractifs en comparaison aux autres classes d’actifs.
Des tendances qui se confirment au niveau mondial
Six mois après le début de la crise sanitaire, la valeur d’action des REITs mondiaux (Real Estate Investment Trust) est très dispersée selon les sous-jacents.
Ainsi l’hôtellerie et le retail sont les plus impactés: les REIT spécialisées ont subi une perte de près de 40% de leur valeur d’action depuis le début de la crise (JLL, 2020). Les REITs investissant dans les logements se sont maintenus, quand les spécialistes du bureau ont constaté une baisse plus marquée.
Ce constat est en profond contraste avec les REITs spécialisés dans des actifs alternatifs (plateformes logistiques, data centers, self storage). Ceux-ci ont vue leur valeur augmenter de 10% à 20% depuis le début de l’année.
En France, les foncières ont pour la grande majorité subit de larges pertes de valeur à l’exception d’Argand, spécialisée dans la logistique et d’Atland dont la stratégie diversifiée a permis une plus grande résilience.
Globalement, la conjoncture devrait renforcer les hiérarchies et les opportunités déjà présentes avant COVID, notamment dans les thématiques du résidentiel, du bâtiment durable et des usages mixtes (co-living, co-working) avec comme critère central l'utilité sociale de l’immobilier (travailler, se loger, se rencontrer).
Ce contexte, renforce donc plus que jamais le besoin de stratégies innovantes, opportunistes et locales.
Nos convictions pour le marché immobilier français
Plusieurs éléments viennent malgré le contexte soutenir favorablement le marché de l’immobilier ou réduire l’impact de la crise que nous traversons :
- À la différence du premier confinement, le monde du BTP a pu maintenir les chantiers ouverts, de même que les fournisseurs de matériaux ; l’impact devrait ainsi être plus réduit sur les délais de livraison.
- De même, les offices notariales maintiennent leur activité, tout comme les collectivités locales permettant le passage effectif des actes et l’octroi des autorisations administratives.
- En raison du faible niveau des permis de construire octroyés, les stocks atteignent des taux historiquement bas poussant les prix de l’immobilier neuf à la hausse.
- Le potentiel offert par la nécessité de réhabilitation environnementale du parc immobilier français vieillissant et énergivore.
- Dans un contexte d’érosion global des rendements, toutes classes d’actifs confondues, l'immobilier français parvient à maintenir des primes de risque constantes depuis 2010, faisant certainement de l’immobilier français une valeur refuge durable pour les investisseurs privés comme institutionnels.
Une situation qui ouvre des opportunités
Ce contexte vient souligner d’un côté la résilience de l’immobilier résidentiel, un marché de plus en plus adressé par les investisseurs institutionnels et de l’autre la recherche comme toujours de l’emplacement, l’emplacement et l’emplacement.
Parallèlement, cette crise conforte les tendances et renforce la montée des usages alternatifs en créant des opportunités pour :
- Le repositionnement et la transformation d’actifs (bureaux et commerces en tête)
- L’investissement dans des actifs en difficulté (“distressed asset”)
- L’optimisation de la gestion locative des actifs partiellement loués grâce aux nouveaux usages.
L’immobilier Core semble plus que jamais être une valeur refuge pour les investisseurs, avec des taux de rendement pour les bureaux prime qui atteignent 2,75% à 3% dans le QCA, 3,25% à 3,50% dans Paris Centre et dépassent les 5% pour la 1ère couronne.
La rareté des produits de rendement et la recherche de sécurité ouvrent un boulevard d'opportunités pour les professionnels de l’immobilier et pour les opérateurs value-added qui sauront imaginer des projets à horizon 2023-2024, en vue de repositionner et réhabiliter les actifs vacants pour répondre à la fois à la demande d’un immobilier plus durable et des usages évoluant à vitesse grand V.
ANNEXES
État du marché immobilier
Depuis la crise de 2008, si les taux de rendement de l’immobilier, toute classe d’actifs confondue, ont connu une baisse constante et marquée suivant la tendance des taux directeurs, il faut souligner que les primes de risque se sont globalement maintenues à un niveau élevé.
Alors que les taux directeurs resteront faibles à l’avenir, il y a de fortes chances pour que les rendements évoluent dans les prochains mois selon les classes d’actifs. En effet, beaucoup d’actifs dont l’activité a été fortement impactée par la crise seront dévalorisés et soumis à une décote, générant des opportunités d’investissement.
Un parc immobilier de bureaux divers à fort potentiel
L’immobilier d’entreprise dans la région de Paris présente de fortes disparités selon les emplacements.
Le QCA et Croissant Ouest sont très robustes et affichent une hausse des loyers et une baisse de la vacance malgré les conditions économiques défavorables en 2020. En effet, la rareté de l’offre de bureaux dans ces arrondissements crée une demande forte et tire les prix vers le haut.
Le secteur de la Défense fait face à une augmentation importante de l’offre en raison de la livraison récente ou prochaine de nombreux immeubles de bureaux (tours Saint-Gobain, Hekla). Cependant, la commande de baux importants pour des bureaux de haut standard à Paris ne faiblit pas, à en observer les installations de Total et prochainement Natixis dans de nouveaux locaux.
La première couronne Nord bénéficie du contexte favorable des JO 2024 et du développement rapide du Grand Paris. Ainsi c’est dans les proche communes du Nord de Paris que les progressions de loyers sont les plus impressionnantes. La densification en place ainsi que l’élévation des ressources par habitant vont prolonger ce phénomène au cours des années à venir.
C’est un tout autre tableau dans la première et deuxième couronne à l’Est, au Sud et à l’Ouest. Le parc de bureaux est vieillissant et la vacance est en hausse.
La crise sanitaire du Covid-19 questionne l’usage traditionnel des surfaces de bureaux, la densité des usagers au travail, la normalisation du télétravail, et le renforcement des nouveaux usages comme le coworking:
- La généralisation du télétravail risque de peser sur le long terme: si chaque salarié prend une journée de télétravail par mois, c’est une réduction potentielle de 5% des nombres de postes de bureaux ainsi la surface requise va diminuer en conséquence.
- Le coworking est devenu le premier choix des petites structures et start-up en quête de flexibilité et de plateforme de networking qui ne peuvent supporter le risque des baux à long terme. Un nouveau modèle moins décrié que le co-working traditionnel est en train de gagner ses lettres de noblesse ; il s’agit du bureau clé en main ou flex office proposé à un unique locataire pour une durée de 12 à 36 mois, totalement équipé et dont la prise à bail est assurée par le gestionnaire puis reloué meublé pour une durée minimum à un occupant sous forme de prestation de service.
Enfin, la crise sanitaire catalyse des tendances de fond telles la demande pour des actifs dotés d’une bonne performance environnementale et proposant de nouveaux usages.
Ainsi un nombre important d’actifs de bureaux verront leur valeur décrocher dans les années à venir en raison d’un rendement locatif faible, d’un état vieillissant de l’actif, de surfaces peu adaptées, d’un emplacement peu désirable ou d’une faible performance énergétique. Cet état de fait constitue une opportunité pour transformer ce parc vieillissant et énergivore en logement ou usages alternatifs.
Nos convictions et certitudes pour les prochains mois
La durée et la force de la crise actuelle sont difficilement prévisibles, d’autant qu’aucun gouvernement ne semble trouver la réponse adaptée permettant de cantonner et stopper le développement de l’épidémie.
Quelques certitudes en tant qu’investisseur
Zoom sur l’immobilier résidentiel en phase de Covid
Le secteur résidentiel observe une demande stable et une offre très fortement réduite en 2020. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat:
Les élections municipales récentes se traduisent par une baisse substantielle des livraisons de permis sur la période 2019/2020
La crise sanitaire du Covid-19 diminue la capacité des acquéreurs à obtenir des financements sur les constructions neuves avec un durcissement des conditions d’octroi de crédit bancaire
La crise du Covid-19 incite les ménages à l’épargne plutôt qu’à l’investissement locatif
La sensibilité environnementale et la préférence pour la réhabilitation du parc immobilier vieillissant plutôt que la construction de nouveaux projets sont de plus en plus présentes
La raréfaction du foncier en grandes métropoles incite à considérer en priorité la reconversion du bâti existant
Au delà de la conjoncture actuelle et des faits exposés ci-dessus, il y a un mouvement de fond en France qui ne permet plus le développement rapide et l’expansion horizontale des villes tel que ça s’est produit au siècle dernier. En effet l’étalement urbain aujourd’hui est limité par le manque de foncier disponible, fortement contesté politiquement, impopulaire et de plus en plus régulé.
La tendance de la verticalisation de la ville (construction en hauteur, densification, bâtiments à usages mixtes) est prônée par les principaux acteurs de la promotion ainsi que par une partie du spectre politique comme réponse à la problématique d'étalement urbain. Toutefois, cette autre stratégie est également contestée par une branche politique qui a obtenu le pouvoir dans un certain nombre de métropoles régionales comme Lyon et Bordeaux. Les nouvelles édiles écologistes n’adhèrent pas à la densification des centres-ville.
Ainsi l’immobilier neuf ne parvient pas à atteindre les objectifs de 400 000 logements livrés par an définis comme le seuil de renouvellement du parc de logement en France.
Ainsi, les opportunités à l’avenir, par exemple dans le domaine du crowdfunding immobilier se porteront davantage sur la transformation d’actifs, le changement d’usage, le développement d’usages alternatifs (résidences gérées, co-living).