Depuis décembre 2019 et l’entrée de la Française des jeux en bourse, les petits porteurs sont massivement de retour sur les marchés actions. C’est ce retour d’amour pour la bourse qui m’a fait me dire qu’il devenait urgent de dresser le portrait de l’oracle d’Omaha.
Crédit image d'illustration : Krish Art & Design
Il m’en aura fallu du temps, pour m'attaquer au portrait de l’investisseur le plus influent du 20ème siècle : Warren Buffett.
Depuis décembre 2019 et l’entrée de la Française des jeux en bourse, les petits porteurs sont massivement de retour sur les marchés actions (plus d’1,4 millions de petits porteurs actifs en 2020, un bond de 30% par rapport à 2019). C’est ce retour d’amour pour la bourse qui m’a fait me dire qu’il devenait urgent de dresser le portrait de l’oracle d’Omaha.
Tant de choses ont déjà été écrites que j'ai choisi de me concentrer sur la philosophie d’investissement du bonhomme et ses critères de sélection pour vous donner une vue la plus précise possible de la méthode qu’il utilise pour investir depuis les années 50…
Dans cet article je ne vous recommanderai pas non plus d’investir dans Berkshire Hathaway, sa société d’investissement, car ce fond vedette est aujourd’hui en surcharge de cash, au point de racheter ses propres actions. Warren lui-même qui le dit, BH a désormais trop d’argent pour investir et l'interventionnisme d’État fait qu’il y a très peu d’opportunités intéressantes à saisir (contrairement à 2008) car beaucoup d’entreprises en difficulté sont désormais soutenues par la FED….
Qui es-tu Warren Buffett ?
Warren Buffett est né à Omaha dans le Nebraska en 1930 (oui pas jeune jeune le type, mais toujours sacrément vaillant), une région coincée entre l’Iowa, le Missouri et le Wyoming, entre autres. Clairement l'état dont on entend jamais parler dans la ruée vers l’or et les histoires de pionniers américains alors que franchement ils sont tous passés et installés dans les États autour. Si vous ne me croyez pas, lisez les bouquins de la petite maison dans la prairie, histoire vraie qui donne plein d’infos sur le sujet (disclaimer : je n’ai jamais vu la série). Ce qui fait aujourd’hui du Nebraska un des États les plus pauvres des États-Unis.
Warren Buffett y fera tout de même une partie de ses études avant de rejoindre l’université Columbia où il deviendra un des plus fervents disciples de Benjamin Graham dont il adoptera la thèse d’investissement avant de l’affiner pour construire la sienne.
Benjamin Graham est un économiste né en 1894 à Londres et LE pionnier de l’analyse financière avec sa thèse du rapport value/price. Il est aussi l’auteur d’une petite bible : l’Investisseur Intelligent publié en 1949. Une grosse référence pour tous les investisseurs du monde, franchement pas simple à lire…
C’est après deux ans passés à travailler pour Benjamin Graham à New York que Warren Buffet revient dans le Nebraska pour s’établir dans sa ville natale et ne plus la quitter. Il y crée une première société d’investissement familiale en 1956 (dissoute en 1969) avant de racheter en 1965 une société de textile à redresser : Berkshire Hathaway.
En parallèle de ses tentatives de redressement, la société sert aussi de holding d’investissement avant de devenir uniquement cela car, et Warren Buffet considère ça comme un de ses vrais échecs, il ne parviendra jamais à rendre l'activité textile de BH pérenne.
Un mal pour un bien quand on sait que la holding BH deviendra la société financière la plus performante du 20ème siècle. Passons donc à la thèse de Warren et ce qui a fait son succès en tant qu’investisseur.
Buffett : un investisseur value
On l’a vu, Warren Buffet est un disciple de Benjamin Graham, et donc ce qu’on appelle un investisseur value. Le nerf de la guerre pour un investisseur value c’est l’estimation précise de la valeur intrinsèque d’un actif, avec pour but de ne se positionner que sur des sociétés sous-évaluées, c’est-à-dire s’échangeant à un cours inférieur à leur valeur fondamentale (avec une marge de sécurité).
Interlude définitions :
Valeur intrinsèque (et valeur fondamentale) : La VI représente la valeur réelle d'un bien, par exemple la différence entre l'actif brut et les dettes d’une entreprise. Le calcul de cette valeur intrinsèque a pour but de quantifier la valeur perçue (ou réelle) d'un actif. On l’oppose à la valeur de marché qui peut fluctuer en fonction de la subjectivité des agents économiques. Si la valeur intrinsèque dépasse la valeur de marché, on parle de sous-valorisation et inversement. La recherche de la VI fait partie de l'analyse fondamentale à laquelle les investisseurs recourent pour évaluer les actions ou le prix des options. (En savoir plus)
Marge de sécurité : La marge de sécurité représente la perte potentielle de chiffre d'affaires que l'entreprise peut subir sans entraîner de perte comptable. Elle correspond à la partie du chiffre d'affaires qui « dépasse » le seuil de rentabilité. [Marge de sécurité = CA – SR] Cette marge de sécurité est souvent exprimée en pourcentage du chiffre d'affaires. On parle alors d'indice de sécurité.
S’il a conservé cette philosophie d’investissement apprise auprès Graham, Warren Buffet a rapidement ajusté ses stratégies de placement jusqu’à créer un style d’investissement qui lui soit propre. Il a notamment investi dans de nombreuses entreprises dans lesquelles son mentor n’aurait sans doute jamais mis les pieds. Sa particularité à lui ? Buffett s’est affranchi de la seule analyse de bilan en ajoutant au modèle la valeur du potentiel de croissance à venir d’une entreprise.
Les critères de sélection d’un actif attractif selon Warren Buffett
Warren Buffett dispose de quelques critères de sélection lui permettant d’identifier de belles opportunités. Ainsi, une société devra afficher :
- une bonne rentabilité des capitaux investis ;
- un modèle économique facile à comprendre ;
- des cash-flows réguliers ;
- des avantages concurrentiels lui permettant de maîtriser ses prix ;
- un fonctionnement relativement simple pour ne pas avoir besoin d’un génie pour être bien gérée ;
- des revenus faciles à anticiper ;
- un management gérant l’entreprise comme s’il en était propriétaire.
Le processus de sélection est toujours le même : repérer une entreprise avec de bons fondamentaux, proposant un produit connu et reconnu, indispensable, présent dans de très nombreux points de vente et dégageant d’importantes marges. Le but est d’investir dans de larges capitalisations, bien établies, disposant d’avantage(s) concurrentiel(s) fort(s) dans leurs secteurs.
Côté diversification, Warren Buffett prône une diversification modérée des actifs. Un portefeuille doit selon lui trouver le juste équilibre entre une trop forte concentration qui crée des risques et une surdiversification qui peut nuire aux bénéfices.
Le portefeuille de Berkshire Hathaway
Une fois qu’on a tout ça bien en tête, voilà comment cela se dessine en termes de portefeuille :
La répartition sectorielle du portefeuille de Warren Buffett est dominée par la technologie grâce à Apple, la finance et les produits de grande consommation. Sa première ligne, qui est Apple, représente plus d'un tiers de la pondération de son portefeuille. Warren Buffett est un investisseur connu pour avoir mis du temps à s’intéresser à la tech. Il était notamment passé complètement entre les mailles de la crise de 2000, avant d’investir dans Apple, puis tardivement dans Amazon. Le portefeuille BH est également lourdement exposé au monde financier à travers des participations bancaires et assurances qui sont historiquement des investissements phares de Warren Buffet. Toutes les participations dans l’aéronautique ont été cédées en Mars 2020, un mouvement longuement débattu et qu’on ne reprendra pas ici. Mais si vous souhaitez suivre ces sujets, la holding BH étant cotée, toutes les informations sont publiques et hyper accessibles.
Warren Buffet, un homme simple
On parle beaucoup de la simplicité de Warren Buffett, de ses déjeuners burger/coca avec son copain Bill Gates (dont vous pouvez lire le portrait d’investisseur ici), de ses parties de bridge entre amis et de la maison qu’il occupe encore à Omaha près de 60 ans après en avoir fait l’acquisition. Mais l’ensemble n’est pas feint, outre son implication dans le Giving Pledge (milliardaires américains qui ont fait le choix de faire don de 90% au moins de leur fortune à des associations), sa simplicité se retrouve dans sa thèse d’investissement, ses critères de sélection et d’ailleurs même sur le site web de Berkshire Hathaway (j’ai cru à un scam la première fois que je l’ai consulté et puis je me suis dit que c’était un la sophistication ultime d’avoir un site aussi crado mais qui a le mérite d’être hyper clair).
Avec ce portrait on parle bien sûr d’un des investisseurs les plus talentueux et durables de sa génération mais aussi d’un homme qui aura manifesté un intérêt pour l’entrepreneuriat et l'investissement dès son plus jeune âge. Il aurait même été inspiré par un livre emprunté à la bibliothèque publique d'Omaha à l’âge de sept ans : “One Thousand Ways to Make 1000 $”. Le menant ainsi à créer une multitude de petits business avant même d’entrer à l’université.
C’est cette simplicité et ce bon sens qu’il a sans doute retrouvé chez Benjamin Graham, son mentor. Et voici une de ses citations qui résume parfaitement je trouve tout ce que nous avons décrit ci-dessus : “Les principes de base de l'investissement sont de considérer les actions comme des entreprises, d'utiliser les fluctuations du marché à votre avantage et de rechercher une marge de sécurité. C'est ce que Ben Graham nous a appris. Dans cent ans, ils seront toujours les pierres angulaires de l'investissement.”
Si vous souhaitez aller plus loin, je vous recommande les seuls livres que Warren Buffet recommande lui même :
- L’investisseur intelligent - Benjamin Graham (bonne chance, moi il traine sur mon bureau depuis deux ans)
- Le petit livre pour investir avec bon sens de John Boggle
- Et bien entendu les lettres annuelles que Warren Buffet écrit à tous ses actionnaires et publient également sur le site de Berkshire Hathaway.