La session de la Convention des Entreprises pour le Climat du 25-26 avril dernier soulevait la question : comment investir pour le vivant ?
Rarement évoqué sur les bancs d’école de commerce où nous sommes nombreux à avoir été formés, une entreprise pour vivre nécessite, en plus de la conjonction d’un capital financier et d’un capital travail, un capital naturel. Ce capital naturel est souvent tenu pour acquis malgré sa disponibilité limitée et le temps long qui soutient le processus de transformation à l’origine de son avènement. Cette conduite a contribué à l’émergence de la crise de biodiversité que nous traversons aujourd’hui à l’échelle mondiale - nous parlons d’une sixième extinction de masse où un million d'espèces seraient menacées1.
Pourtant, les entreprises sont hautement dépendantes des écosystèmes qui s’appauvrissent. D’après une analyse de la BCE des crédits accordés dans la zone Euro par les banques européennes, 72% des entreprises auxquelles ont été accordés des crédits en sont dépendantes, partage Sylvie Goulard, co-présidente de l’International Advisory Panel on Biodiversity Credits (IAPC) et vice-présidente du Institute for European Policy making (IEP) de l'Université Bocconi. Sylvie Goulard, lors de sa conférence "Comment la Finance peut contribuer à restaurer la biodiversité ?“, nous rappelle l’ampleur des investissements financiers nécessaires pour enrayer la perte de biodiversité, et en miroir la valeur des services écosystémiques qu’elle génère, estimée entre 125 000 et 145 000 milliards de dollars par an2.
Une piste évoquée (pas des plus simple), serait d’établir une gouvernance mondiale qui organiserait le prélèvement d’impôts pour financer les grands projets de préservation et restauration de la biodiversité et de transformation de nos modèles productifs.
Cela met également en lumière l’importance et la nécessité d’engager les financements privés dans cette mobilisation. Il apparaît de plus en plus nettement que les ressources allouées à la transition sont concentrées dans l’hémisphère nord , tandis que les foyers majeurs de biodiversité à préserver sont principalement situés dans l’hémisphère sud - un défi clef de fléchage des flux financiers.
Une façon de soutenir et d’encadrer ce fléchage pourrait résider dans l’usage et l’essor des crédits de biodiversité. Grégoire de Warren, Directeur adjoint du Secrétariat de l'International Advisory Panel on Biodiversity Credits, coalition Franco-Anglaise adressant la question d’un marché des crédits de biodiversité, évoque des pistes de réflexion compensatoires et contributives complémentaires, après avoir réduit à leur seuil incompressible les incidences négatives en termes de biodiversité :
• compenser la perte de biodiversité liée à son activité au sein de sa chaîne de valeur (Insetting) pour sécuriser sa chaîne de valeur et ses approvisionnements ;
• compenser la perte de biodiversité liée à son activité en dehors de sa chaîne de valeur (Offsetting), sur une base volontaire ou réglementaire ;
• générer des contributions à la nature volontaires (philanthropie, mécénat, crédits pour valoriser ces investissements, intégration d’une partie du prix des biens et des services pour le financement de projets de protection et restauration de biodiversité, etc.).
Le recul que nous avons aujourd’hui sur les dérives du crédit carbone, le couplage crédits carbone et crédits de biodiversité ouvrent des perspectives d’action crédibles pour permettre aux entreprises et acteurs financiers de contribuer à la préservation de la biodiversité, indispensable au fonctionnement de notre économie, et plus encore, au maintien des conditions nécessaires à la vie.
Sources
1 IPBES, Global Assessment, 2019
2 Evaluation française des écosystèmes et des services d’écosystèmes (EFESE) : Une mise à jour du travail de Costanza et al., 2014 a estimé à l’aide des mêmes méthodes qu’en 1997, la valeur des services écosystémiques à l’échelle mondiale entre 125 000 et 145 000 milliards de dollars pour l’année 2011 (en dollars 2007). La perte de services écosystémiques à l’échelle planétaire entre 1997 et 2011, due au changement d’usage des sols, a été évaluée entre 4 300 et 20 200 milliards de dollars (en dollars 2007).
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